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À LA MÉMOIRE DU SASB GROUPEMENT AUTONOME PONCHARDIER.

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Voici un authentique récit du Capitaine Rouan second du commando SASB3.



Le mystère des fleurs japonaises

Les fleurs ont toujours de belles histoires.


Écoutons le Capitaine Rouan :


Un soir du début novembre 1945, lorsque j'ai achevé ma tournée des sentinelles de garde, je rentre à la Maison Commune où j'ai installé mon poste de commandement. Elle est l'une des quelques maisons en dur de la petite ville.


J'y trouve le jeune, strict, mais souriant officier commandant le détachement de l'infanterie japonaise. Il me prie de façon pressante, bien que très polie, de lui accorder un entretien.


À la lueur d'une mauvaise lampe à pétrole autour de laquelle tourbillonne un nuage de moustiques agressifs, nous sommes seuls aux confins hostiles de l'immense plaine des joncs.


Dois-je craindre d'être anéanti par les hommes de mon visiteur, bien plus nombreux que les miens ? J'entends celui-ci me dire, après les habituelles formules de grande courtoisie :


"Perdu ici au cœur de l'immense delta, à plusieurs milliers de kilomètres de mon pays, sans autre contact avec mes chefs les plus proches, j'ai reçu comme un foudroyant coup de massue la nouvelle invraisemblable de la capitulation du millénaire Empire du Soleil-Levant.


J'ai entendu la proclamation de notre chef vénéré, le divin Mikado, sans vraiment y accorder foi. Ces bruits de malheur m'ont été confirmés par mes chefs, toujours par radio, car nous ne pouvons plus nous déplacer. Il y a de cela plus de deux mois.


Ne sachant que penser de la situation du monde, ne pouvant croire à l'écroulement aussi brutal de la puissance militaire nipponne, alors que nous régissons toujours les pays conquis, je rumine de sombres pensées. Une seule est encore claire dans mon esprit. Elle efface souvent toutes les autres.


C'est le rappel du serment que je fis lors de mon engagement, de mourir par le suicide s'il le fallait comme mes ancêtres samouraïs, plutôt que de me livrer à l'infâmante reddition.


Mon "Hara-Kiri" résoudrait tout si j'étais battu. Mais vous-même, arrivé ici en vainqueur, me laissez le commandement de ma troupe en armes qui veille cette nuit aux côtés de la vôtre sur le village.


Je tente aujourd'hui une unique et douloureuse démarche auprès de vous, officier comme moi, vous êtes donc un de mes pairs. Ayant une connaissance plus large de la situation, me donnerez-vous un honorable conseil ?


Dois-je accepter la honteuse et méprisable captivité dont le retard n'est pas sans me surprendre et rentrer chez moi vaincu, déshonoré, ou mettre un terme à ma vie consacrée par serment à la sauvegarde de ma patrie ?


M'aiderez-vous à décider où est mon devoir ?


Cet homme parlait un français parfait, qui lui donne sur moi une grande supériorité. Il avait su m'emmener au fond de son problème.


À l'extrême pointe d'une guerre nouvelle où nos vies tiennent à une rafale de mitraillette de pacotille tirée par n'importe quel "nha-qué", dans une terre menaçante et pour tous deux aussi étrangère, je me trouve soudain plongé en pleine chevalerie moyennageuse. Oui, j'ai devant moi, sorti du fond des temps, le Noble Guerrier dont l'arme précieuse, léguée par un vénérable ancêtre, doit frapper son maître.


La tradition, en sa rude noblesse, veut qu'en n'engageant que lui-même, il perde plutôt la vie que l'honneur, le bien sacré de la famille depuis des siècles.


Pour nous, hommes d'Occident, pour moi surtout qui ai vu tant de mes compagnons souffrir et mourir autour de moi depuis tant d'années, la vie de l'individu et ce que l'avenir va lui permettre d'en faire l'emporte toujours. Après un instant de réflexion, je ne puis que répondre :


" Vous n'êtes impliqué dans la reddition de votre pays ni par une erreur personnelle ni dans vos responsabilités d'officier, puisque ce n'est pas votre armée qui a été défaite.


Le monde et ses affrontements sont entrés dans une phase de barbarie nouvelle. Le Japon vient de payer le plus lourd tribut qui soit à la guerre dans laquelle il s'était lancé à corps perdu. Il aura bien du mal, je le crains, à se relever et à se remettre à l'ouvrage dans la paix. Il n'aura pas trop de tous ses fils pour cela.


Vous devez, je pense, prendre votre part de cette tâche plus difficile et plus exaltante encore que les lointains et durs combats de la guerre de conquête. Ai-je le droit de vous donner un avis ? Croyez que je serais très honoré si vous le considériez comme le conseil d'un aîné.


La vie va renaître dans le monde et dans votre pays. Elle a besoin du soutien et de l'expérience des forts. N'ayez plus d'hésitation, choisissez résolument son parti, le plus beau".


Quelques jours après l'aube, je tombais sous les balles du mauvais pistolet de l'assaillant Viêt-minh.


Seule une suite particulière de circonstances très favorables m'a permis de survivre. Pensez que l'hydravion même du général en chef m'a ramené vers l'hôpital, où les merveilleuses capacités de nos trop modestes "toubibs" m'ont sauvé.


Depuis, j'ai revu bien souvent en pensée le Chevalier d'une nuit lointaine. Me suis-je vraiment interposé entre cet homme et le destin ?


L'ai-je sauvé, comme il l'a cru ?


Capitaine Rouan du SASB3 Groupement Autonome Ponchardier
Capitaine Rouan du SASB3 Groupement Autonome Ponchardier

Une brassée de fleurs

Je ne crois avoir jamais porté un aussi lourd fardeau. Il m'écrase toujours de son symbole qui m'obsède :


Le rachat par ma vie de celle d'un Chevalier venu d'un autre monde, par une lourde nuit tropicale, si chargée de la mystérieuse magie de l'Extrême-Orient.


Capitaine Rouan François, SASB3, Groupement Autonome Ponchardier (GAP)

Épilogue

Lors d'une assemblée générale de l'Association des Anciens d'Indochine à Toulon en janvier 1978, une personne fait référence à un article écrit par Bouvet ancien du SASB3, Groupement Autonome Ponchardier, paru dans " Rizières & Djebels" le bulletin trimestriel dont Bouvet est le rédacteur.


Cette personne est Jean Pouliquen, pilote du Catalina.


À ces mots, Bouvet entend encore, par la pensée, le vacarme de l'appareil sauveur au-dessus de nos têtes. Moteurs hurlants et mitrailleuses crépitant au ras des toits. Musique enchanteresse après les moments que nous venons de passer (la journée de Caïrang).


Bouvet lui parle alors du Mystère des fleurs japonaises.


Jean Pouliquen explique qu'il a bien assisté au dépôt de cette offrande et notre dolent capitaine est arrivé à l'hôpital Grall de Saïgon tout fleuri.


Mais pourquoi ces fleurs aussi belles et surtout rarissimes ont-elles été offertes par des Japonais ? Mais Jean Puliquen ne comprenait et surtout n'avait pas d'explications à donner ; la seule chose qu'il savait était que ces fleurs avaient été offertes par des Japonais.

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Il était loin de connaître l'histoire que je viens de vous écrire concernant le fameux mystère des fleurs japonaises.


Michel Zannelli








 
 
 

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